Un produit ancestral

Le 02 janvier 1492, les forces combinées des couronnes de Castille et d'Aragon récemment unies s'emparent de Grenade après plusieurs années de siège autour de la ville. C'est la fin de la reconquête chrétienne espagnole face aux arabo-musulmans déployés depuis près de huit siècles sur le territoire dorénavant espagnol. En moins de quarante ans, l'effondrement de la dynastie almohade a été marqué par les chutes successives des grandes métropoles et des alouses. Le traité de reddition comporte une soixantaine de clauses dont les principales s'engagent à protéger la religion musulmane et ses pratiquants. Mais dans les faits, les européens les ont contraints à se convertir au christianisme, à l'exil ou à la mort. Trois millions de musulmans et alous ont ainsi été éliminés ou chassés vers l'Afrique du Nord. Les réfugiés arabes andalous se sont principalement éparpillés entre le Maroc, l'Algérie et la Tunisie, emportant avec eux, le savoir-faire de la chéchia .

L'essor de la coiffe

Mais c'est en Tunisie, sous le règne des beys – missionnés au départ par le sultan ottoman – que le commerce de chéchias va durablement s'inscrire dans le patrimoine identitaire du pays. Différents récits justifiant cet essor de la coiffe :

le politique qui l'emporte

Plusieurs commerçants de chéchias tunisiennes racontent que les beys de l'époque appartenant à l'empire ottoman pourraient obtenir davantage de pouvoir sur le territoire tunisien en s'indépendant du royaume et donc de leur sultan. Pour se faire et dans une volonté de s'intégrer au mieux à la population, ils auraient fait le choix politique de porter la chéchia , reniant ainsi leurs origines turcs pour se rallier à l' identité tunisienne .

l'esthétique qui conquiert

Un récit populaire se détache des autres : l'anecdote du Bey. Le foulage de chéchia étant une opération très bruyante et exécutée généralement durant la nuit, les habitants de Tunis, excédés, se plaindront auprès de Mhammed Bey qui convoqua dans sa cour l'un des chaouachis. En guise d'excuse, le chaouachi confectionna pour le maître une chéchia sur laquelle il fixa sa couronne . Devant l'esthétique de la coiffe, le Bey fut ébloui, et ses ministres ébahis. Ainsi, ministres, dignitaires et hauts responsables du pays se mirent à porter la chéchia. Désormais signe de prestige , la population se l'arrache.

La chechia artisanale Tunisienne, un incontournable

Finalement, peu nous importe le pourquoi du commentaire, entre le XVIIème et le XVIIIème siècle, la chéchia connut un essor commercial sans précédent . L'objet, initialement accessible seulement aux classes aisées, se vulgarise. Si bien que bientôt, tous souhaitent se vêtir du couvre-chef tant convoité. La Tunisie, dernier pays en possession du savoir-faire de sa fabrication, fournisseur unique au sein du globe, commercialise alors le produit à l'international . Sa notoriété dépasse toutes les frontières pour atteindre l'Algérie, la Libye, le Cameroun, le Nigeria, l'Egypte, le Soudan, jusqu'à la Turquie et la Grèce. Certains racontent même que la chéchia aurait été l'artisanat de cette période le plus pris en méditerranée. La demande fut si importante que de grands souks ont été incorporés pour sa fabrication et sa vente.